Mardi 6 septembre, le tribunal judiciaire de Paris a mis en délibéré la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de la société MG Freesites, éditrice de la plateforme pornographique Pornhub. La décision de transmettre ou non cette QPC à la Cour de cassation sera rendue le 4 octobre.
Au cours de l’audience, MG Freesites a avancé plusieurs arguments qui sont infondés aux yeux de nos associations.
Premièrement, cette entreprise prétend que la loi n’est pas suffisamment claire, en ce qu’elle ne précise pas ce que doivent faire les plateformes pour se mettre en conformité avec l’article 227-24 du code pénal, qui sanctionne le fait de gérer des contenus pornographiques susceptibles d’être vus pas des mineurs. Les dispositions de cet article sont pourtant parfaitement claires : « Les infractions […] sont constituées y compris si l'accès d'un mineur aux messages mentionnés au premier alinéa résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans. » Les simples boutons « J’ai plus de 18 ans » ne suffisent donc plus, et il n’appartient pas au Législateur de faire la liste exhaustive de toutes les solutions techniques présentes et futures qui pourraient satisfaire l'obligation de contrôle d’âge.
Deuxièmement, les sites pornographiques s’inquièteraient de porter atteinte à la vie privée et de collecter des données personnelles, telles que des pièces d’identité ou des cartes bancaires. D’une part, nos associations s’étonnent de tels scrupules de la part de ces entreprises, quand on sait que leur modèle économique repose précisément sur la captation massive de données. D’autre part, — sans prétendre qu’il s’agirait nécessairement de la solution technique à adopter — le fait de demander des pièces d’identité n’a jamais posé de difficulté pour l’accès aux sex shops et aux casinos, ou pour acheter de l’alcool. Par ailleurs, la CNIL n’a jamais trouvé à redire concernant les milliers de sites de e-commerce qui encaissent des paiements en ligne, et donc collectent des données sensibles.
Troisièmement, la QPC soulève l’enjeu de la liberté d’expression et de communication, MG Freesites estimant que la loi y porte atteinte de manière disproportionnée. Rappelons que l’interdiction d’exposer des mineurs aux contenus pornographiques remonte à une trentaine d’années, et que les plateformes se sont longtemps accommodées de moindres efforts pour respecter cette disposition. Il en résulte, comme chacun sait, que les enfants sont exposés de plus en plus précocement à des vidéos choquantes. Les précédentes dispositions légales ne suffisaient manifestement pas, et il était donc nécessaire de renforcer les mesures coercitives.
Puisque toutes les parties au procès ont rappelé la nécessité de protéger les enfants et de trouver des solutions satisfaisantes sur les plans technique et réglementaire, la question finale qui se pose est la suivante : attendrons-nous encore plusieurs années avant de faire appliquer la loi afin de permettre aux adultes d’accéder à la pornographie en ligne, ou bien appliquerons-nous le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en prenant d’urgence des mesures conservatoires, le temps que les plateformes trouvent une manière de se mettre en conformité avec la loi ?
En effet, l'intérêt supérieur de l'enfant est une notion cardinale de la Convention internationale des droits de l'enfant que la France a signée dès 1989. Pour passer de la Convention aux actes, nous demandons simplement l'application de la loi.
En novembre 2020, le COFRADE, l'OPEN (Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique) et l'Unaf (Union nationale des associations familiales) avaient saisi le CSA (désormais devenu l'Arcom) pour demander la mise en demeure des principales plateformes pornographiques contrevenant à l'article 227-24 du code pénal, tel que le leur permettait une loi de juillet 2020.
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